Saying nothing, that's enough for me (roman)

I could see for miles

and at once I knew I was not magnificent

« Uniquement pour toi Roman… » grogna Ewan en tordant sa cheville pour l’extraire de la longue racine qui en avait fait sa prisonnière pendant un court instant. C’était vendredi soir. Il avait abandonné sa voiture un peu plus loin, tactique qu’il avait mis en application après avoir passé de longues minutes à maudire les rayures entachant ses portières. Ewan avait trouvé ça amusant quand Roman lui avait montré où il vivait. C’était atypique et aussi tellement lui. Ewan venait l’aider à rénover quand il avait le temps. La nature était particulièrement coriace ce soir là et Ewan lâcha plusieurs jurons sur le chemin. Les deux pizzas qu’il tenait en équilibre sur une main, un pack de bière dans l’autre, n’aidaient clairement pas à sa progression. Mais il avait trop de fois eu à faire à un frigo vide pour prendre le risque de laisser la responsabilité à Roman de les fournir en calories. Nourrir Roman avait trouvé sa place dans la liste mentale d’Ewan, au même titre que sortir les poubelles et sortir le chien. En parlant de chien, il entendait celui d’Ewan aboyer après lui, ses aboiements étouffant la voix du commentateur sportif qui s’époumonait à la télé. Ewan arrivait toutes les semaines à la même heure, réglé comme une horloge, et il avait passé le stade d'attendre à la porte après quelques coups secs frappés contre le bois. Une fois la porte ouverte d’un coup de pied – faible, la chance que l’objet sorte de ses gonds étant fort probable – il fut accueilli par un air chaud et familier. Si la veille maison en travaux avait tout de la planque perdue au milieu des bois, antre privilégiée par le sociopathe type, Ewan s’y sentait comme chez lui. Et c’est tout ce dont il avait besoin ce soir. Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas eu une journée aussi minable à la fac. Qu’il ait trouvé judicieux de programmer des exposées pour la semaine à venir, Ewan en cherchait à présent la raison. Parce qu’il avait l’habitude que ses feignants d’étudiants prennent rendez-vous avec Wikipédia la veille au soir, Ewan avait testé sa patience devant les exposés synthétisés sur un bout de papier de la taille d’un timbre poste et les discours noyés dans la timidité qui exigeaient une audition canine pour en saisir la fréquence. L’un dans l’autre, Ewan était fatigué. Très fatigué. Le weekend et la routine du vendredi soir ne pouvaient pas mieux tomber. L’animal sur ses talons, il déposa ses charges dans la cuisine, attrapa deux bières du pack et une pizza avant de se diriger vers le salon. Roman était à moitié allongé sur le canapé et Ewan lui lança une bière, un sourire amusé naissant sur ses lèvres devant le 'humph' que provoqua la boisson en percutant le ventre de son ami. Il se laissa tomber à ses côtés dans un soupir satisfait. « J’ai eu une semaine horrible » entama-t-il en détachant les syllabes, son regard suivant les pixels sur l'écran. Une seconde passa avant qu'il relocalise son attention sur Roman « Comment tu vas? » demanda-t-il avec l'honnête curiosité qui l'habitait toujours quand il s'agissait de son ami.

C'est une fierté pour Roman de vivre dans une maison complètement à l'écart de la ville, il n'est pas très technologie, il veut simplement qu'on le laisse vivre sa vie dans son coin sans que rien ne se passe. Son chien lui suffit amplement comme compagnie bien que parfois, il ne dit pas non à la présence d'un de ces amis, notamment Ewan un collègue de la faculté, depuis qu'il se connaisse les deux hommes passent beaucoup de temps tous les deux. Ils s'apprécient et Ewan vient souvent l'aider pour rénover sa maison parce qu'elle a beau être vraiment bien, c'est un vrai taudis encore. Les travaux vont plutôt doucement parce que les deux hommes finissent toujours par se poser devant un match de foot, pour boire et parler de tout et n'importe quoi. Ewan vient souvent aussi pour voir si Roman se nourrit convenablement, il oublie souvent de manger, il ne trouve jamais le temps et puis, il n'éprouve que très rarement l'envie de manger, c'est une mauvaise chose, mais il ne se rend guère compte, il ne prend pas soin de lui. C'est comme cette barbe là qu'il porte depuis trois jours, il s'en fout, il va en cours avec ça. Les seules fois ou il fait attention à ce qu'il porte c'est lorsqu'il va à des soirées habillées avec le reste des collègues ou bien à des galas de charité parce que tout le monde sait que Roman est quelqu'un de généreux *ironie*. Bref, aujourd’hui monsieur n'a pas été à la faculté pour bosser, mais il est resté étalé dans son canapé pour se remettre de sa soirée d'hier avec Jane. Ils ont bien bu, enfin, elle a mieux tenu que lui ou elle a moins bu, il ne s'en souvient plus. Il ne se souvient de pas grand sauf du fait qu'ils ont bien rit. Roman s'est réveillé dans son lit avec une envie de se vider pressante. Il a passé sa matinée à végéter dans sa maison, à regarder son chien à en avoir le tournis et puis il a finit par se réveiller garce ou à cause d'un appel du doyen de la faculté pour lui annoncer qu'il avait des copies qui l'attendait dans son casier et qu'il devait relire le plus rapidement possible. C'est toujours comme ça durant les examens, les étudiants demandent un deuxièmes avis afin de voir si ils sont nuls ou pas. Bref, Roman déteste son boulot pour ça. Pour lui c'est refaire le boulot des autres et s'occuper de jeunes qui croient avoir réussi alors que non, ils ont tout et tous raté. Enfin, ça fait parti de son job, job qui lui a donné près de cent copies à corriger et qui restent sur la table de sa cuisine à côté d'une bouteille de whisky couchée à moitié vide ou pleine comme vous voulez. Enfin voilà, la nuit ne va pas tarder à tomber et Roman est en train de chanter sous sa douche faisait aboyer son chien dehors. Ah bah oui, il chante les la porte et la fenêtre ouverte, il n'y a personne pour lui dire qu'il chante mal sauf son chien qu'on a l'impression qu'il est en train de mourir parfois. Roman a une belle voix grave, mais chanter ce n'est pas son fort, parler c'est vraiment bien il arrive à captiver les foules, mais pas en chant, il s'en rappelle lorsqu'il était au lycée, personne ne voulait de lui à la chorale. Ce n'est cependant pas le sujet de ce soir. Après sa douche, Roman se vautre sur son canapé avec un verre de jus d'orange à ses pieds pour changer un peu du whisky de la nuit dernière. Il ne s'attend pas du tout à voir son ami débarquer, mais il n'est pas contre du tout. Un match de foot est en train de commencer en plus, un match de foot pour la coupe d'Europe, c'est tout ce que Roman aime alors non, pas de travaux ce soir, à moins qu'il trouve la motivation nécessaire pour faire une nuit blanche et travailler dans la chambre d'amis, la pièce la plus proche de la finition. La tête sur le rebord du canapé, Roman entendant vaguement son chien aboyer, il ne fait pas attention. « Haaaagard. Tais-toiiii... » Dit-il d'une voix à moitié endormie. Il ne prête pas une seule attention aux bruits dans sa cuisine et gémit fortement lorsqu'une bière percute son ventre. « Humph. » Il lève alors les yeux et son ami Ewan s'installe à côté de lui sur le canapé. Un sourire apparaît sur le visage du maître de conférences qui se redresse est 'installe correctement sur son canapé. « A ta santé Ewan, toi qui a passé une semaine de merde. » Il lève sa bière qu'il a décapsulé rapidement. « Racontes-moi tout. » Il passe sa main dans ses cheveux avant de faire signe à son chien de rester par terre et de ne pas essayer de venir s’installer sur le canapé. « Moi, ça va, j'ai eu une gueule de bois, mais c'est tranquille, et toi ? » Un sourire s'affiche sur son visage avant de trinquer.

Spoiler: