seems like it's been forever that i've been gone... ϟ eilleen.

Ce matin-là, je n'avais pas tenu plus de quinze minutes dans la même pièce que Lyséa. Ni même dans la même maison. Elle était déjà difficile à gérer avant mais depuis l'accident, c'était encore pire. Je m'étais juré à moi-même de prendre soin d'elle jusqu'à ce qu'elle retrouve la mémoire. Après ça, je comptais attendre qu'elle soit parfaitement rétablie pour lui dire ce que je pensais de notre relation. Ça ne pouvait plus durer. Ce mariage, c'était une mascarade. Je ne l'aimais pas, c'était un fait. J'avais de l'affection pour elle, du moins j'en avais eu pendant un certain temps. Mais jamais je ne l'avais aimée. Et je n'étais même pas certain qu'elle m'aimait. J'avais beau me creuser la tête, je ne comprenais toujours pas ce qu'il m'avait pris, ce fameux soir ou je lui ai demandé sa main. J'avais eu une dure soirée, j'aurais seulement voulu pouvoir dire une seule fois que j'avais une vie banale avec une belle maison, un bon job, une femme que j'aimais et qui m'aimait et un passé clean. Mais c'était loin d'être le cas. J'étais témoin tous les soirs de comportements qui mèneraient inévitablement à des ruptures, un jour ou l'autre. Je savais que, mariés ou non, il y avait toujours quelque chose qui venait se mettre en travers des couples. Et pourtant, j'avais fait cette bêtise, cette chose complètement stupide qu'est la demande en mariage. J'avais toujours associé ça aux menottes qui viennent enserrer vos poignets lorsque vous vous faites arrêter. Mais j'avais tout de même plongé tête baissée.

Quoiqu'il en soit, alors que Lyséa piquait sa quotidienne crise matinale, j'avais remarqué que nous n'avions plus de lait, ce qui me donna une excuse afin de pouvoir m'échapper de la maison. Enfin, ce fut seulement après m'avoir répété qu'elle ne buvait jamais son café sans lait au moins une bonne trentaine de fois qu'elle me laissa partir. Qu'est-ce qu'elle en savait d'abord, elle n'était pas censée avoir perdu la mémoire? Quoiqu'il en soit, après m'être fait sermonné comme un petit garçon, j'avais attrapé mon portable, mes clefs, mon porte-feuille et j'étais sorti. Mais plutôt que de prendre immédiatement la direction du supermarché, mes pas m'avaient conduit au port. Lorsque je m'en étais rendu compte, mon estomac s'était noué. Lyséa détestait cet endroit, je n'avais d'ailleurs jamais vraiment compris pourquoi. Par contre, nous venions souvent ici avec... Non, je ne devais pas penser à elle. Elle était sortie de ma vie il y a des années de ça. Ou plutôt j'étais sorti de la sienne, le contraire n'étant pas tout à fait vrai. Il faillait que je l'oublie. J'avais fait quelques pas de plus le long du port avant que je ne sente mon portable vibrer dans ma poche. Le nom d'Aymane s'affichait. Il manquait plus qu'elle. J'avais raccroché avant même d'entendre ce qu'elle avait à me dire. De toute façon je le savais déjà. Et je n'avais vraiment pas besoin de ça. Tout ce dont j'avais besoin, c'était me changer les idées, sortir de mon quotidien. Je m'apprêtais à reprendre le chemin du supermarché lorsque je la vis. Et, malgré moi, mon cœur loupa un battement.

Citation :

Lorsque je vis Eilleen se lever et me faire signe de la main, je fus tenté de l'ignorer durant quelques dixièmes de seconde. Je ne pensais pas pouvoir l'affronter là, dans l'immédiat. Pourtant, d'un autre côté, je ne pouvais m'empêcher de penser que sa présence suffirait peut-être à m'apaiser, comme elle le faisait autrefois. Mise à part Arya, elle était effectivement la seule personne qui parvenait à me faire oublier tout le reste. Lorsque seule une trentaine de centimètres nous sépara encore, elle me sauta littéralement au cou et je réagis juste à temps pour que nous ne nous retrouvions pas tous les deux au sol. Je ne pus m'empêcher de respirer le doux parfum de ses cheveux lorsqu'ils vinrent me chatouiller le visage. J'ai fait pas mal de conneries dans ma vie mais la plus grosse est peut-être d'avoir laissé Leen partir pour New-York. Cependant, je savais pertinemment que je n'aurais pas pu la retenir. J'aurais aimé pourtant, ma vie aurait sans doute été bien différente, je n'aurais sûrement pas abandonné mes études et je ne serais pas fiancé à une fille que je n'aimais pas vraiment. Soit.

Ce fut Leen qui prit la première la parole. « Andy, je ne m'attendais pas à te voir. Mais j'en suis heureuse. » Si elle savait, moi aussi j'en étais heureux. Plus que ça même. Même si je savais que je me sentirais certainement encore plus mal après ces «retrouvailles». Mais je n'allais pas lui montrer. « Comment vas-tu ? Arya m'a dit pour Lyséa... Ca ne doit pas être facile pour vous deux. » Elle ne savait pas à quel point elle avait raison. Je n'en pouvais plus, je ne pouvais plus supporter Lyséa et ses sautes d'humeur. Bon, ça ne devait pas être facile pour elle d'avoir perdu tous ses points de repères mais elle ne faisait aucun effort. À croire que c'était totalement ma faute, ce qui lui était arrivé. Mais je savais qu'on m'aurait trouvé égoïste si j'avais fait part de mes sentiments à quelqu'un. Alors je m'abstenais. « Moi aussi je suis heureux de te voir, Leen. Ah, Arya t'a dit... » Mouais, Arya lui disait tout ou presque, de toute façon. Ma sœur avait toujours beaucoup apprécié Leen. Elles avaient très vite sympathisé lorsque je les avais présentées l'une à l'autre et Arya aurait voulu que nous restions ensemble. Sauf que Leen n'avait pas la même vision des choses. « C'est vrai que c'est pas facile. Enfin, c'est surtout pour elle. » Je tentai vainement de donner du crédit à mes paroles en haussant les épaules. « Et toi? Comment... Comment tu vas? » Leen avait une vie bien différente désormais. Elle avait un fils, un boulot qu'elle aimait. D'après Arya, elle était vraiment épanouie. Du moins elle semblait l'être. Cependant, j'avais l'impression qu'elle n'était pas si heureuse que ça, lorsque je l'avais aperçue quelques minutes plus tôt.